C’était le vendredi 26 novembre 2010. Une petite fille qui vient au monde. Un ange qui dépose ses ailes au râtelier des cieux pour naître dans le bruit et la fureur dont parlait le grand Will. Un beau morceau de princesse. Un bébé comme un autre, ou presque.
C’est que la miss est un gabarit de près de 5 kg… et que maman a tenu informés les lecteurs de son blog presque heure par heure sur twitter. Il n’en fallait pas plus pour que la dite maman fasse les choux gras des chroniqueurs de la blogosphère, comme un symptôme du tout internet et de ses abus.
Rencontre avec une maman bien dans ses mots, qui a compris que la littérature ne se limite pas aux pages serrées d’un « relié cuir ».
Itinéraire d’une maman blogueuse
Côté Mômes : Est-ce que la maternité qui vous a fait découvrir la blogosphère ou bien aviez-vous déjà quelques prédispositions ?
Mère Bordel : J’ai toujours aimé écrire.Des histoires courtes, romancées, parfois des « pensées » sur des cahiers que je ne partageais pas, puis des pièces de théâtre.J’avais bien sûr entendu parler de la blogo mais j’avais un a priori pas très positif, je ne pensais pas y trouver des contenus de telle qualité.
Et puis, après une fausse couche fin 2009, j’ai eu envie de partager l’aventure d’une nouvelle grossesse très tôt, très vite, pour apaiser mes angoisses et dédramatiser avec humour.Je ne pensais pas que je serais très lue, mais ça n’avait pas beaucoup d’importance tant que je m’exprimais ailleurs que dans ma sphère privée, intime.
Ca peut étonner mais je suis sentimentalement pudique « en vrai ».
Qu’est-ce que la notoriété de votre blog a apporté à votre grossesse ?
Ce qui m’a touchée, et surprise, c’est de faire des rencontres, parfois seulement virtuelles, parfois virtuelles dans un premier temps puis réelles, avec des personnes avec qui j’ai beaucoup d’affinités de points communs.J’ai découvert des histoires de vie très riches, fourrées d’humour, et ça je m’y reconnais.
Et vice versa: Des lecteurs ont appris à me connaître, à lire entre mes lignes.Au final j’ai eu des échanges rares, sincères et désintéressés par ce biais.J’ai un attachement profond pour certaines lectrices et bloggeuses, que je n’ai pas forcément déjà rencontrées.
Ca, c’est une vraie surprise pour moi !Et puis, si l’on écrit, c’est pour être lu, sinon j’aurais continué à remplir des cahiers…
Recommenceriez-vous la même chose maintenant que votre enfant est né ?
Je vais surtout continuer !Ma fille vient de naître et je lui consacre tout mon temps, mais j’ai des pensées pour mon blog, de nouveaux billets, je jette un œil rapide sur mes commentaires même si je ne trouve pas le temps d’y répondre comme je le faisais avant.
Ca fait partie de moi, de ma vie, je prends une photo par ci pour la poster sur le blog, pense à telle blague débile faite par une lectrice au détour d’une conversation avec des amis.
D’ailleurs, certains d’entre eux viennent lire mes billets lorsque je ne leur donne pas de nouvelles depuis un moment, et ils découvrent de moi d’autres choses qu’au quotidien, l’anonymat de mon blog me permet de m’y livrer plus, ou, du moins, différemment.
Un accouchement sur twitter qui a fait débat
L’accouchement quasi en direct par tweets interposés a provoqué un véritable écho dans les médias ? Vous pensiez susciter cet intérêt ?
Pas du tout.Déjà, je n’utilise Twitter que depuis quelques mois, j’ai eu du mal à accrocher (et maintenant je suis addict !!!), et en habituée de facebook, j’avais imaginé que ça ne trouverai écho qu’auprès de mes followers, donc des gens que je « connais » d’une façon ou d’une autre, pas du tout que ce serait relayé par d’autres !
C’était une façon de donner de mes nouvelles à mes lecteurs, qu’ils ne s’inquiètent pas, et pour moi c’était la bonne façon de me mettre en abîme suffisamment pour retrouver mon humour et relativiser, car l’accouchement s’est mal engagé, j’ai été séparée de mon compagnon pendant plusieurs heures et l’ai très mal vécu, subi une équipe hospitalière particulièrement inhumaine, et, ce dont je n’ai pas du tout parlé en live twitt, ma fille a été en danger un certain temps, il a fallu faire vite.
Dans la nuit j’ai été soutenue par pas mal de gens sur Twitter, par mon homme aussi bien sûr mais il était aussi anéanti que moi de notre séparation.A un moment, il fallait juste que j’arrête de pleurer et que je sorte ce bébé avant que les choses tournent mal, envoyer quelques twitts drôles, décalés et positifs ça a été ma façon de me remettre avec mon bébé, et de la conduire jusqu’à la sortie.Ca m’a permis de relativiser, de me sentir soutenue, et de voir seulement le bon côté des choses.Moi, je n’ai pas l’impression d’avoir live-twitté mon accouchement, ni rien des choses pas très jolies que j’ai vaguement lues ici ou là, j’ai juste envoyé quelques twitts à des moments « peu classiques » et quand ça me faisait du bien, tandis que mon homme luttait pour rester éveillé après une nuit blanche qui a été terrible pour nous deux, pour nous trois même…
Des chroniqueurs se sont servis de votre exemple pour parler d’exhibition. Vous comprenez ces critiques ? Que leur répondez-vous ?
Je leur réponds qu’à vouloir surfer sur le buzz d’un évènement alors qu’on ne connaît ni les tenants ni les aboutissants, c’est passer à côté de l’essentiel, et vulgariser une chose qui n’a pas à l’être.Ceux qui l’ont fait ne connaissent pas DU TOUT mon blog, mon écriture, et n’ont absolument pas perçu le second degré dans tout ça.Entendre que je suis allée plus loin que les femmes qui postent les vidéos de leur accouchement sur le web, ça me semble disproportionné, hors sujet, incomparable… Ou de voir ça comme un coup de pub… Mieux, de supputer que c’était une histoire montée de toutes pièces, au vu des mensurations (dont je ne suis pas peu fière, bien que toujours clouée au lit deux semaines après la naissance…) inhabituelles de ma fille.Mais je n’ai pas eu à répondre à tout cela, mes lectrices s’en sont chargées avec brio, j’ai été émue de voir à quel point elles me connaissent bien et ont tout à fait saisi mon mode de fonctionnement. Ce qui est allé loin ce jour-là, c’est l’imaginaire de chacun sur les quelques phrases que j’ai postées, pas ce que j’ai livré de moi.Car je n’ai dit que ce que je voulais bien dire, comme toujours… Car ce n’est pas en connaissant la taille de mon col de l’utérus à un instant T qu’on peut prétendre connaitre mon Moi profond…
La mode des mamans blogueuses
Votre blog devient aussi un vecteur pour des marques de puériculture. Vous devenez un support publicitaire. Quelles frontières vous fixez-vous ?
Je ne suis pas encore très à l’aise avec tout ça…et ne le serais peut-être jamais !Je relaie des produits qui m’ont séduite, que j’utilise ou que j’utiliserai, sauf une certaine marque pour laquelle j’avais relayé un concours avec un lot d’une valeur conséquente, il me semblait égoïste de ne pas le relayer juste parce que ça n’est pas « mon trip ». J’ai mes convictions et je m’y tiens, et pour l’instant je ne fais que faire gagner quelques lots.
Quels commentaires vous inspire cette expérience assez ambiguë du blog. J’entends par là le paradoxe de l’écrit intime, du journal de bord ouvert à tous ? Qu’est-ce que cela nous dit de notre époque selon vous ?
Je ne sais pas ce que ça nous dit de l’époque, car je suis en plein dans ce paradoxe: le blog et mon anonymat me permettent une liberté de parole que je n’ai nulle par ailleurs, si celui-ci n’était pas/plus anonyme, j’arrêterais sans doute instantanément…Parce que cette façon de parler de mon intimité heurte curieusement moins ma pudeur qu’en « vrai », où j’ai le « don » d’être aussi expansive que secrète.
Y a-t-il d’autres choses que vous souhaitiez dire ?
Comme dirait mon père, « les chiens aboient mais la caravane passe », ou ma mère, « si tu n’aimes pas n’en dégoutes pas les autres… »Oui comme vous le voyez il y a de grands philosophes dans la famille Bordel, vivement que ma fille s’y mette aussi… Et merci de m’avoir ouvert cet espace de parole avec finesse et respect !
Pour en savoir plus sur les mamans 2.0, consultez notre article sur les « Digital Moms ».