Gestation pour autrui : « La femme n’est pas un outil vivant »

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Tel est le principal message de l’essai de Sylviane Agacinski. En s’intéressant à la question des « mères porteuses », l’auteure entend défendre la dignité des personnes et de leur corps. Ainsi, elle nourrit la réflexion d’un sujet au cœur de toutes les polémiques. 

Mères porteuses : femme aliénée ?

A propos de la gestation pour autrui, la philosophe Sylviane Agacinski assure que : « non, la France n’est pas en retard, elle en avance sur la protection, par la loi, de la dignité des personnes et de leur corps. » Dans son nouvel essai intitulé Corps en Miettes, l’auteure attire l’attention sur ce qu’elle considère comme « une forme d’aliénation biologique qui frappe les femmes dans certains pays et les menace dans le nôtre, afin de contribuer à la réflexion sur la question de la gestation pour autrui […], sur ce service qui ne peut échapper à la marchandisation.

Ce ne sont pas les « abus » qui sont à craindre, c’est cet usage lui-même » indique Sylviane Agacinski en expliquant que : « la maternité de substitution représente intrinsèquement une aliénation […], que la question du respect de la personne se pose : respect de l’enfant lui-même, auquel on donne un statut de produit fabriqué, respect des remplaçants, dont les miettes biologiques sont traités comme des matériaux […], ou bien encore qu’un don qui sauve la vie n’est pas un don qui donne la vie ».  

Gestation pour autrui : au cœur de la polémique

Tandis que la législation concernant la gestation pour autrui est en cours de discussion (dans le cadre de la révision des lois bioéthiques de 2004), Sylviane Agacinski rappelle que « dans des sociétés dominées par la terreur ou par l’argent, personne n’est à l’abri de la corruption. De même, dans un contexte d’extrême pauvreté, le besoin d’argent détourne des valeurs humaines les plus fondamentales. Chacun s’efforce de vivre, de survivre ou de s’en sortir y compris en renonçant à sa propre dignité, en sacrifiant sa propre intégrité morale ou physique […]. Les Etats sont en situation de pouvoir mettre des limites à la puissance de l’argent et des techniques. Eux seuls peuvent dire le droit, fixer la limite entre l’humain et l’inhumain et par là protéger leurs citoyens. »

Le conseil d’Etat se prononce contre la Gestation pour autrui

La philosophe doit donc se réjouir des recommandations du conseil d’Etat rendue publique le 6 mai 2009 : après avoir été mandatée il y a un an par le premier ministre, François Fillon, la haute juridiction a notamment préconisé de ne pas légaliser la gestation pour autrui et de ne pas étendre l’assistance médicale à la procréation (AMP). Arguments ? « Le GPA n’est pas sans danger pour la mère porteuse et le don d’un enfant à un autre couple présente une forte probabilité d’être vécu par cet enfant comme un abandon. »

Déception chez les « pros-GPA »

Ces recommandations devraient servir de socle à la révision des lois bioéthiques en cours ; n’en déplaise aux « pros-GPA » comme l’association Maïa, qui attendaient vivement les garde-fous législatifs pour éviter les dérives qu’ils disent « inévitables ». D’après le docteur Jean-Pierre Kutner, Gynécologue obstétricien agrée pour les actes cliniques d’assistance médicale à la procréation : « la gestation pour autrui est pourtant une chance données à toutes les femmes fertiles qui ne peuvent pas porter d’enfant, une chance que nous sommes malheureusement loin de voir arriver en France. »

Mères porteuses : pour aller plus loin

La gestation pour autrui ou GPA, est une méthode d’assistance médicale à la procréation (AMP) qui se pratique dans certains pays en cas d’infertilité féminine liée à l’absence d’utérus ou à sa déformation. La mère porteuse n’a aucun lien génétique avec l’enfant qu’elle porte. Elle met à disposition son utérus pour l’embryon d’un couple qui fournit les cellules reproductrices.

La gestation pour autrui (GPA), ou maternité pour autrui, est strictement interdite en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Suisse, au Québec ainsi que dans de nombreux états des Etats-Unis. Au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, Australie,  Russie, Brésil, Inde, Israël, Iran, Roumanie ou bien encore Grèce la GPA est autorisée avec plus ou moins de latitude.

« Corps en miettes » de Sylviane Agacinski est paru aux Editions Flammarion en avril 2009 dans la Collection Café Voltaire.

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