Grossesse: les doulas, un accompagnement controversé…

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Depuis quelques années, les futurs parents ont la possibilité, en France, de se faire suivre pendant la grossesse et l’accouchement par des doulas ou « accompagnantes à la naissance ». Une profession qui n’est pour l’instant pas reconnue et qui suscite de vives critiques chez les médecins comme chez les sages-femmes… A quoi servent les doulas? A qui s’adressent-elles? Et que faut-il en penser?  Le point  sur ce nouveau métier controversé.La doula, dont le nom vient d’un mot du grec ancien signifiant « esclave » est une femme, ayant elle-même eu des enfants et les ayant allaités, qui se met au service des jeunes parents pendant la grossesse de la maman, son accouchement et au moment de la suite de couches.

« C’est une fonction ancestrale » explique Pascale Gendreau, co-présidente de l’association Doulas de France « Elle existe depuis l’Antiquité. Au Moyen- Age, c’était une profession reconnue, notamment en Angleterre, où les doulas s’installaient à domicile une semaine avant l’accouchement et où elles assistaient les sages-femmes pendant celui-ci. Elles étaient souvent payées avec des poulets. Même en France, on trouvait dans les campagnes des accompagnantes de ce type il y encore une cinquantaine d’années ».

 Les millénaires, les siècles et les décennies ont passé mais le rôle de la doula est toujours plus ou moins le même : prendre en charge tous les aspects pratiques de ce moment de vie peu banal. Mais aussi établir, auparavant, une relation privilégiée avec les femmes enceintes et répondre à leurs interrogations. Bref, être une sorte de guide émotionnelle « La doula  n’est pas une amie, une sœur ou une mère mais un mélange de tout cela » commente Pascale Gendreau. « On connaît le compagnon, la famille, le contexte dans laquelle elle évolue … On reçoit toutes les peurs, les doutes. On est là pour écouter.

A côté de cela, on s’occupe d’organiser des choses comme la garde des autres enfants de la fratrie. Je compare notre activité à celui des travailleuses familiales qui côtoient les personnes âgés ».

Les doulas: le plébiscite des parents

La  disponibilité serait donc le maître-mot de la pratique des doulas. Une qualité confirmée par les parents qui ont choisi de vivre l’arrivée de leur enfant avec l’une de ces coachs d’un nouveau genre. « Notre doula, Pascale, a toujours été là quand on le demandait, quand on en avait besoin. Elle est venue une bonne dizaine de fois et m’apporté beaucoup de soutien moral »  raconte Pascale Galhaud, mère d’une petite fille d’un mois. « Je suis isolée, je n’ai pas de famille près de moi et il y avait  un gros manque de ce côté-là »… Mais si elle soulage tracas et états d’âme des mamans (et papas) durant la grossesse, la présence de la doula serait aussi bénéfique pendant l’accouchement, notamment lorsqu’il a lieu à domicile. « Pascale est arrivée juste avant la sage-femme. Elle a pris la place que je désirais qu’elle prenne. Je ne voulais pas de péridurale et j’avais les jambes qui tremblaient » continue la jeune accouchée «  Elle me les a massées longuement, a tout fait pour essayer de me calmer. Grâce à elle, j’ai pu être vraiment et pleinement actrice de ce moment ».

Même son de cloche chez Bérangère Chapuis, suivie elle aussi une doula avant la naissance de son deuxième enfant il y a quinze mois, cette fois-ci en maternité «  Ma situation était très particulière puisque mon mari, intermittent du spectacle, était en déplacement à l’étranger pendant la quasi-totalité de la grossesse. Il tournait en Irlande. Puis il est ensuite parti filmer des ours blancs en Arctique.  Et nos deux familles ne sont pas parisiennes. J’étais très seule… J’avais entendu parler des doulas par Internet. J’éprouvais le besoin d’être épaulée psychologiquement, notamment parce que j’avais une grosse appréhension par rapport à l’accompagnement médical classique, ayant eu une césarienne pour mon premier bébé. Heureusement que j’avais Valérie… Elle m’a permis de ne plus être intimidée face aux médecins, de m’extérioriser, de mettre des mots sur ce je voulais – et ne voulais plus- . A coucher sur le papier ce que j’attendais de cette naissance. »

Deux témoignages de mamans comblées, qui mettent en exergue les bienfaits d’être entourée par une doula.  Témoignages très positifs qui ne doivent pas faire oublier… que les doulas ne sont pas, pour le moment, légalement autorisées à exercer dans notre pays !

Sage femme ou doula? Une profession hors la loi

Car la première pierre dans le jardin des doulas est l’absence de statut juridique qui caractérise leur métier. Si des formations -payantes-  sont effectivement dispensées aujourd’hui dans plusieurs villes de  France, elles ne débouchent sur aucun diplôme ou de qualification officiellement reconnus.

L’Académie Nationale de Médecine déclarait ainsi dans un rapport de juin 2008, « s’étonner de la nature variée et parfois insolite de ce qui enseigné, de la qualité discutable des intervenants et des jurys d’examens, de l’absence de tout contrôle, du coût de l’enseignement, de la brièveté et de l’insuffisance de l’expérience pratique ».

Position identique chez le Docteur Philipe Descamps, chef du service de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier et universitaire d’Angers et membre du CNGOF ( Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français)  «  Le fait d’être maman ne confère pas automatiquement de compétences » s’emporte- t-il «  Elles assistent simplement, en tout et pour tout, à six modules de formation de 18 heures.

Comment pourrait-on comparer les doulas aux sages-femmes qui sont astreintes à plusieurs d’années d’études obligatoires? Aux obstétriciens qui suivent un très long cursus ? Je ne vois pas comment ces femmes seraient en mesure de réagir à d’éventuelles pathologies de l’accouchement. Ce n’est pas parce que l’on se casse une jambe qu’on peut devenir orthopédiste !»

Des risques réels de « sortie de route »

Le champ d’action des doulas n’est donc pas du tout délimité par la loi. Et qui manque d’encadrement, dit dérives possibles… Certaines doulas outrepassent ainsi leurs prérogatives et s’autorisent à prendre en charge complètement la mise au monde de l’enfant « Elles en arrivent parfois à se substituer à la tâche des sages-femmes » confirme Christelle Gerber-Montaigu, sage-femme à Metz «  Et dans cette situation-là , il peut y avoir des accidents.

Quand l’accident se produit sur quelque chose de matériel, ce n’est pas grave. Quand cela concerne l’humain, ça l’est beaucoup plus » Un bébé est ainsi mort fin août 2008 à Castillon-en-Couserans dans l’Ariège trois heures après sa naissance, qui avait été pilotée uniquement par une doula…  « Cette dame n’était pas vraiment  doula » se défend Pascale Gendreau, la co-présidente des Doulas de France. «  Elle avait un diplôme de sage-femme traditionnel obtenu aux Etats-Unis mais qui n’était pas validé par l’Ordre des Sages- Femmes français. Alors, elle est venue vers nous. Elle nous a dit qu’elle voulait pratiquer des accouchements à domicile. On a refusé de l’intégrer à notre association en lui disant qu’elle s’exposait à des poursuite judicaires. Mais elle a continué à exercer hors de notre tutelle ».

Des dénégations balayées du revers de la main par le Docteur Philippe Descamps « Je crois surtout que les doulas ont peur de l’effet médiatique désastreux qu’ont eu ces événements et qu’elles battent aujourd’hui en retraite »

Les doulas ne prêtent qu’aux riches?

Dernier grief fait aux doulas : leurs prestations, très onéreuses, ne seraient réservées qu’à une petite frange de personnes ultra-privilégiées. L’accompagnement global de la grossesse par la doula couterait ainsi entre 500 et 700 euros, non remboursés par la Securité Sociale. « Celles qui peuvent se permettre de genre de dépenses sont uniquement des femmes à haut niveau social, qui peuvent s’offrir le « luxe » d’accoucher sans perfusion. Cela me rappelle la mode des accouchements en piscine qui a laissé beaucoup de gamins handicapés.

C’est un snobisme qui peut être dangereux » commente le Docteur Descamps. Obstétriciens, sages-femmes : les doulas sont donc unanimement condamnées par le corps médical. Et leur pratique, telle qu’elle se fait aujourd’hui, ne paraît donc, effectivement, pas exempte de risques pour la santé de nos bambins.

Plusieurs voies pour satisfaire les demandes des parents

S’il y un avenir pour les doulas en France, il passe donc certainement par la mise en place en place d’une vraie législation professionnelle, d’un cadre strict définissant leurs attributions.  «  « Tant qu’on n’ a pas ce cadre, on peut pas être légitime » reconnaît Pascale Gendreau.

«  On veut être inscrite au registre des métiers et que notre formation soit validée. On demande à acquérir une vraie reconnaissance ». Une reconnaissance qui, on s’en doute, n’est vraiment pas souhaitée par les différents acteurs du différent monde médical. « Je comprends le désarroi des gens devant l’hyper-médicalisation de l’accouchement. » insiste Christelle Gerber-Montaigu, notre sage-femme.

« Dans les grosses maternités, nous n’avons pas l’occasion d’être présentes avec les parents comme nous le souhaiterions puisque nous gérons parfois jusqu’à sept ou huit patientes en même temps. C’est un vrai problème… Mais laisser monter les doulas en puissance est dangereux car elles seront, au fil du temps, de moins en moins gérables ».

Pour offrir davantage de proximité aux parents, il vaut mieux, selon Christelle Gerber-Montaigu, développer les maisons de naissances telles qu’elles existent à l’étranger, structures dans lesquelles les sages-femmes assument l’entière responsabilité médicale de l’accouchement.

«  Il y a des avancées dans ce domaine » promet-elle. « Cela va bientôt se débloquer » Pour le Docteur Philipe Deschamps, une autre façon de répondre aux attentes des parents est de favoriser la création d’espaces physiologiques au sein-même des maternités. «  Il faut arrêter d’opposer d’un côté l’ultra-médicalisation et de l’autre les personnes aptes à accompagner les couples. De mettre dos à dos la psychologie et la sécurité… Ce ne sont pas des choses incompatibles » Ou comment réinjecter un peu d’humanité dans la venue au monde de nos bébés!Pour vous faire votre propre idée, quelques sites à visiter :
–          celui de l’association de l’Association Doulas de France : http://www.doulas.info/
–          celui de l’Ordre des Sage-Femmes : www.ordre-sages-femmes.fr
–          celui du CNGOF (Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français)  : www.cngof.asso.fr

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