La stérilité est très douloureuse et de nombreux couples sombrent dans la dépression face à ce problème. Si la science a évolué pour aider ces couples, ce n’est pas le cas de la législation française qui interdit à travers les lois bioéthiques certaines procréations médicalement assistées telle que le recours aux mères porteuses. L’association Maia se bat pour la légalisation de ces pratiques et comptait beaucoup sur la révision des lois bioéthiques qui a lieu ces derniers temps…« Ma femme a souhaité en finir, elle n’en pouvait plus… » , « Une lente descente aux enfers » voilà comment les personnes confrontées à ce problème parlent de l’infertilité, de la stérilité.
Une étude britannique réalisée en 1999 auprès de 2000 couples infertiles montre d’ailleurs exactement ce que les couples ont ressenti:
Envie de pleurer 97 %
Dépression/isolement 94 %
Irritation 84 %
Sentiment d’imperfection 72 %
Culpabilité/honte 62 %
Idées suicidaires 20 %
L’association Maia a été créée en septembre 2001 pour aider ces couples et les accompagner dans les procédures de PMA. Maia prône notamment le droit à la Gestation Pour Autrui et la simplification du recours au don d’ovocyte, et attendait beaucoup du projet de révision des lois bioéthiques qui bloquent ces procédés.
La révision des lois bioéthiques ont lieu en ce moment. Enfin quand on dit révision… disons plutôt confirmation des lois bioéthiques qui ont pourtant 15 ans; Car en effet, après trois ans de débats, on espérait pouvoir écrire « ça y est, les lois de bioéthiques sont prêtes à être réformées, une grande révolution arrive! » …. Mais non… en fait, 3 ans de débats, de recherches, d’études ont abouti un projet de loi… qui en fait maintient le statu quo sur l’essentiel. Le vote de ce projet, programmé le 15 février ne changera donc rien pour les milliers de couples ébranlés par la stérilité. Et alors que les mœurs changent et la médecine évolue, la douleur liée à l’incapacité de concevoir un enfant est toujours aussi forte et la loi est figée et est un frein à d’éventuelles avancées de l’AMP.
Petit lexique bioéthique:
-AMP : Assistance Médicale à la Procréation : Toute aide à la procréation. Se dit aussi PMA (Procréation Médicalement Assistée)
-GPA : Gestation Pour Autrui : le recours aux mères porteuses.
Entretien avec Laure Camborieux, présidente de l’association Maia
Qu’attendiez vous du projet de révision des lois de bioéthique?
On attendait des pouvoirs publics qu’ils mettent en place un moyen d’organiser, dans le respect des lois bioéthiques car bien sûr, les principes de respect sont très bons et personne ne les remet en cause, des procédures qui permettront aux couples en incapacité de procréer d’avoir un bébé. Ces procédures seraient principalement la GPA et la facilitation du don d’ovocytes. Malheureusement le projet de loi de révision des lois bioéthiques ne comporte absolument pas d’avancées pour l’AMP.
Comment les autres pays gèrent ils ces PMA?
Des pays d’Europe ont su mettre en place des procédures avec des règles précises qui respectent l’éthique comme nous même le demandons pour que la famille puisse se constituer dans de bonnes conditions. Notre exemple est la Grande Bretagne. En France, la rigidité de la loi est injustifiée car les parlementaires disent qu’on ne peut pas organiser la GPA dans le respect, c’est une aberration, les anglais et les hollandais peuvent le faire!
Comment expliquez vous la rigidité des lois bioéthiques?
Le débat qui a duré 3 ans et qui devait préparer la révision de ces lois n’a en fait été qu’un pseudo débat: Ce qui est rageant et insupportable c’est que l’association avait un apport à faire aux débats : un corpus d’études, de justifications, d’informations, de témoignage, de contacts avec la législation britannique pour la GPA. Tout cela a été balayé d’un revers de main, et il y a même eu des mensonges sur les informations disponibles : certains déclarent que la GPA est mauvaise pour les enfants ce qui est un mensonge éhonté puisque des études ont été faites, et des chiffres rassurants sur la situation des enfants issus de AMP ont été annoncés tandis qu’aucune étude ne montre que les enfants qui en sont issus le vivent mal. Le Conseil d’Etat n’a pas auditionné l’association malgré cet important corpus. Le débat ne contient donc pas d’arguments solides en faveur des ces AMP, dans ces circonstances, le débat ne peut avancer.
Quels sont vos arguments en faveurs de ces avancées?
Premièrement, ce que le gouvernement reproche principalement à la GPA, c’est l’irrespect de l’éthique dans la mesure où il y a instrumentalisation de l’être humain et possibilité de dérive financière, or, on pourrait aussi le reprocher au don d’ovocyte alors que cette procédure est légal. Il y a donc de gros contre sens dans la législation.
Le 2e argument en faveur de la GPA est que les couples en incapacité de concevoir un enfant vont à l’étranger pour effectuer cette procédure: ce qui implique des coûts élevés et en plus, les conditions sont peut-être encore moins respectueuses de l’éthique: Par exemple en Inde, certaines mères porteuses sont exploitées, il y a une réelle marchandisation de l’être humain. Donc, en fait, la loi est tellement rigide, tellement en retard par rapport aux mœurs, aux pratiques qu’elle en est contre productive puisque les couples vont de toute façon de plus en plus accomplir ces procédures à l‘étranger et ce quelque fois dans des conditions ne respectant absolument pas l’éthique.
Les fuites à l’étranger se rependent donc?
Oui, pour la GPA mais aussi pour le don d’ovocyte qui est pourtant légal en France mais la procédure est tellement longue et compliquée que ça ne fonctionne pas donc les couples sont obligés de partir à l’étranger. La France est très en retard sur ce sujet et fait comme si ces voyages n’existaient pas alors qu’ils deviennent une norme.
Depuis quelques années, il y a une réflexion internationale et européenne sur le développement des soins médicaux transfrontaliers et sur le problème des « fuites médicales » : Le Cross Border Reproductive Care. La France est l’un des seuls pays à ne pas s’en occuper, c‘est révélateur du retard français.
Le gouvernement empêche la filiation des enfants eus garce au recours de la mère porteuse pour empêcher les parents d’y avoir recours mais c’est inefficace, la souffrance de ne pas avoir d’enfants l’emporte sur la loi et les couples y ont quand même recours. Il est difficile de raisonner des gens qui souffrent.
Que recommandez vous pour atténuer la souffrance?
Les livres sont très importants pour soutenir les familles en incapacité de procréer, un autre problème en France, c’est que les parents ne sont pas du tout accompagnés. L’infertilité est très douloureuse et en plus l’accompagnement médical est absent pourtant l’infertilité conduit à de graves troubles psycho-sociaux. Par exemple, beaucoup de femmes arrêtent de travailler tellement elles sont mal psychologiquement . Quitte à interdire ces pratiques, on se dit que le gouvernement aurait pu mettre en place un accompagnement pour les personnes infertiles comme en Grande Bretagne où un suivi psychologique est imposé aux personnes en AMP, mais non, rien n’est mis en place.
Livre de l’association Maia: Impossible Enfant