Les groupes de parole pour futurs papas

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Les groupes de paroles père ont fait leur apparition il y a une quinzaine d’années dans certaines maternités, dans le cadre des entretiens de préparation à la naissance. Entre café du commerce et témoignages bouleversants, ces séances apportent aux hommes souvent beaucoup de soulagement…

Futurs Pères Anonymes

Tous les hommes ne sont pas au même « niveau » psychologique au moment de l’annonce de la grossesse, surtout si elle n’était pas prévue. Certains ont des chemins plus difficiles que d’autres à parcourir avant de devenir papa, tout dépend de leur histoire personnelle et de leur relation de couple. Mais une chose est sûre : affronter ses peurs, ne pas les ignorer, ça c’est vraiment courageux ! Se renseigner, se préparer, aide à maîtriser/relativiser ses craintes. Alors pour ceux qui préfèrent en parler entre hommes, sachez qu’il existe des petits cours du soir spécialisés dans certaines maternités.Le Dr Luc Gourand, obstétricien à la maternité des Bluets (à Paris), anime une fois par mois en soirée une réunion intitulée « Paroles d’hommes ». Dans une petite salle qui leur est réservée, sur des bancs en rond, une quinzaine de futurs pères venus anonymement peuvent exprimer leur angoisse de la paternité, une peur quelconque liée à l’enfant ou au changement de vie que celui-ci suscite.

« Bien sûr les « nouveaux pères » sont entrés dans les salles de préparation et dans les salles de naissance, puis dans les salles de change où ils apprennent à pouponner… Mais sont-ils seulement tolérés ou réellement invités ? Sont-ils volontaires ou contraints ? « Paroles d’hommes » se veut un lieu où l’on puisse discuter, dire son désaccord avec l’une ou l’autre proposition, ses craintes de (se) décevoir, de ne pas être à la hauteur, de témoigner de ses espoirs et de ses enthousiasmes », explique le médecin.

Groupes de parole : tous concernés

Les hommes que l’on trouve dans ces réunions sont pour la plupart des primipères. Un petit pourcentage est déjà papa, et vient à l’occasion d’une seconde paternité beaucoup plus tardive, après un remariage par exemple. Tous sont en recherche, voire en crise psycho-affective, mais ils ont le courage d’y faire face. Ces hommes ne représentent pas de type d’âge, de culture ou de catégorie socioprofessionnelle en particulier, les groupes sont très « mixtes ». « Je constate que ces groupes sont de plus en plus métissés (black-blanc-beur), avec des attitudes très différentes face à la paternité… Cela enrichit beaucoup le débat », rapporte le Dr. Gourand.

Tel fils, tel père ?

Le rapport à son propre père est un thème récurent dans le groupe « Paroles d’hommes ». Qu’il soit dans l’imitation ou dans le rejet, l’homme prend son père, consciemment ou non, comme un repère. La plupart du temps, il gardera certaines choses de son éducation (comme le respect), en abandonnera d’autres (l’interdiction pour l’enfant de s’exprimer à table) et en développera de personnelles (l’emmener au tennis).

 Il fera sa sauce… Mais il peut éprouver des sentiments ambivalents : s’il est fier d’avoir pu faire un enfant comme son père, il peut également ressentir un sentiment de rivalité teinté de culpabilité à l’égard de son père, datant du temps où, petit garçon, il était jaloux de cet homme qui l’empêchait de s’approprier sa mère… Aujourd’hui, beaucoup d’hommes se plaignent de l’absence de leur père pendant leur enfance.

 Certains expliquent leur désir d’enfant par l’envie de « réparer » ce manque, de donner enfin ce qu’ils n’ont pas reçu. « Qu’est-ce qu’un petit garçon qui grandit ? Un enfant à qui un adulte qu’il respecte/qui le respecte a dit un jour : « c’est bien ce que tu fais », à l’occasion d’un choix important », ajoute Luc Gourand.

Repérer les malaises sous-jacents

La discussion de groupe fait parfois ressurgir des traumatismes qui ne « sortent » pas entre amis. Les médecins animateurs peuvent alors orienter le futur papa vers une psychothérapie.  « Quand je dois justifier mon travail auprès de collèges accoucheurs un peu condescendants face à mon travail, j’explique cela sert aussi à dépister des gens en souffrance susceptibles maltraiter leur enfant. En réalité, cela représente à peine 1% », rapporte Luc Gourand.

Le groupe, on y vient plus pour « valider » ce qu’on est, être rassuré sur ce qu’on pense, surtout si c’est à contre-courant de la tendance sociale actuelle (par exemple « je ne veux pas assister à l’accouchement »). On vient car on se demande comment aider sa compagne enceinte, comment la soutenir, ce qu’on peut faire d’utile. « En fait, ils ont déjà souvent la solution, mais ils ont besoin de l’entendre formulée par d’autres ». On y vient parce que le père d’aujourd’hui a de nouvelles missions à remplir, et que c’est source de désarroi. « On n’est pas là pour donner un modèle de père, mais pour trouver une position qui a un sens ».

Paroles contre démission

Un seul inconvénient, mais de taille : ces séances demandent au praticien une énorme énergie, surtout après une journée de boulot dans les pattes. L’investissement psychologique est tel qu’il a déjà découragé plus d’un médecin. Et ce n’est pas non plus pour ce que c’est payé qu’il reste. Résultat : ceux qui pratiquent sont des passionnés, et il y en a peu. « C’est vrai, j’y vais parfois à reculons, mais quand je les retrouve devant la maternité en train de continuer après deux heures de discussion ininterrompue, je sais que ça en valait la peine… Si dans tous les hôpitaux/cliniques il y avait des lieux comme ça, on parlerait moins de la démission des pères », conclut le médecin.

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